Alberatrail 2016 - Trail de la Massane

"Le vrai voyageur ne sait pas où il va ..."
 
C'est un peu dans cet état d'esprit que j'aborde ce trail, je suis bien, pas de pression, aucun enjeu, juste l'envie de partir à l'aventure. La montagne m'a toujours attiré, sa grandeur, ses couleurs, sa végétation, ses pierres, ses torrents, elle a pour moi quelque chose d'apaisant et de respectueux. Dans quelques minutes je vais me retrouver seul avec elle, que m'offrira-t-elle aujourd'hui ?

Le Canigou

Dimanche, le réveil est programmé à 5h30 pour un départ de course à 7h30, mon petit déjeuner est prêt de la veille, c'est un gâteau sport au chocolat que je déguste avec un bol de thé. Depuis mes problèmes intestinaux de l'année dernière je favorise l'épargne digestive en limitant mes consommations en gluten et lactose, le gâteau sport est parfait !
Le profil de la course prévoit 5 ravitaillements, soit en gros 1 toutes les heures, c'est largement suffisant pour ne pas s'encombrer inutilement. Je remplis mes deux soft flask de boisson d'effort et j'embarque une compote, un gel "energie rapide" et un maxi Eco-gel (contenance = 3 gels, refermable, réutilisable). En cas de pépin, une barre énergétique de secours accompagne ma couverture de survie.



Un bisou à ma femme qui dort encore et il est déjà temps de rejoindre Yvan, mon ami à qui je dois l'invitation pour ce weekend, pour ce trail, et qui s'est levé spécialement pour venir me chercher et permettre à Steph et aux enfants de dormir encore un peu ... Merci beaucoup Yvan !
Nous arrivons au parc de Valmy 30mn avant le départ, le rituel du départ se met en place, WC, échauffement et encore un dernier pipi ...


Le départ est donné à l'heure et après un petit tour dans le parc nous partons en direction d'une piste carrossable où nous entamons la première grimpée en direction de la Tour de la Massane. Je suis devant mais avant même la fin de cette portion de piste, Clément Ripoll (Team Scott) prend la tête devant Marc-Yohan Boyer et je suis avec Thierry François le futur vainqueur.


Cette première ascension vers la tour de la Massane est assez rapide, les organismes sont frais et le dénivelé est moins important et technique que ce qui nous attendra par le suite. J'arrive là-haut en 4ème position juste derrière Thierry.


S'en suit la descente et ce que je vais vivre comme une prise de conscience ... je suis vraiment nul en descente ! Pourtant j'ai l'impression d'aller bien, de passer les caillasses de schiste assez facilement même si la pente et les glissades me retiennent un peu. Mais Thierry est déjà loin devant et j'entends que ca revient fort derrière-moi, je m'écarte pour laisser passer, un, deux, trois, quatre ... J'ai cette impression d'être perdu dans un champ de course, une dodoche lâchée sur un circuit des 24h du Mans ... En arrivant en bas à Lavail je me dis que finalement il n'y aura pas de classement en jeu, je vais donc profiter pleinement de la course et me faire plaisir, après tout ce weekend est déjà excellent et je compte bien le savourer jusqu'au bout !


Après le passage à Lavail il s'en suit une très forte montée, très pentue jusqu'au Roc de las Mèdes. Cette ascension est courte, 1 km environ mais on reprend près de 500m en dénivelé positif. Je redouble un concurrent avant de basculer à nouveau dans une descente vers Mas del Ca. Finalement je commence un peu à lâcher prise et à me laisser aller dans la descente, je ne perds pas de place sur cette portion de 5km et au pointage de Mas del Ca, Clément passe en tête avec Marc-Yohan, Thierry suit à 1mn et moi à près de 10mn en 9ème position.


Si l'ascension au Roc de la Mèdes était un demi kilomètre vertical, la montée au pic de Néoulous est une tout autre histoire, du schiste bien sûr, mais aussi un vent de plus en plus froid et de plus en plus fort, c'est rude et on prend plus de 1100m de dénivelé sur 6km.


Dès le départ ca monte très très fort et je reprends très vite des concurrents et finalement je commence à compter, je suis 6ème ? 5ème ? plus ca grimpe fort et dur et plus je double, je suis 4ème maintenant ! Le froid devient plus présent et ce vent qui souffle continuellement ... je pense à ma veste dans mon dos, je me dis que j'aurais dû prendre des manchettes ... Mais physiquement je suis bien, énergétiquement ca va aussi, je ne souffre pas et reste concentré sur mon effort, grimper, boire et s'alimenter régulièrement.


Enfin le col de la Vaca, un ravito, j'enfourne banane et pâte d'amande quand cette bénévole bienveillante me propose une soupe de légumes chaude ... le temps s'arrête, ca ne doit durer que 15 secondes mais je suis comme figé par la douceur et la châleur de cette soupe qui, malgré le bout de banane et la pâte d'amande dans la bouche, me paraît succulente et plein de bonnes intentions ... Le temps s'arrête mais je suis déjà sur le chemin, on me dit "500m de piste et ca monte sur la gauche" ... et effectivement "ca monte", un dernier effort dans les courants d'air et la pente pour atteindre le pic de Néoulous où je retrouve un bénévole qui à 10m de moi, me parle, mais je n'entends pas avec ce vent, je vais à sa rencontre et il me dit d'aller jusqu'au fourgon pour me faire pointer à l'ambulance. On prend mon dossard, on me demande si tout est ok et je repars, ca souffle très très fort là-haut et il est difficile de courir droit.


Direction Pic des 4 Termes, 6km de crêtes où dès qu'on lève un pied dans les zones dégagées on est bousculé par le vent, je m'imagine incliné à 45° courir contre lui, j'ai les bâtons dans les mains et le froid qui les envahit progressivement, maintenant un trou de boue et voilà que je perds ma chaussure qui roule à 5m avec le vent. Je perds du temps à la remettre car je n'ai plus de sensibilité dans les doigts avec le froid mais j'y arrive tant bien que mal et continue ma route dans cette tourmente, balloté à droite et à gauche par les rafales de vents. Le froid est toujours plus présent, je n'ai pas froid mais mes mains subissent, j'essaie de prendre un gel, je n'y arrive pas, je ne sens plus mes doigts, il y a bien cette solution de les glisser dans le short histoire de retrouver un peu de chaleur, mais bon ... 


J'arrive quand même après de nombreux efforts à prendre ma compote et à l'ouvrir entre les dents, ouf ! Il faut s'alimenter, c'est important ! Le ravitaillement du pic des 4 Termes est déjà là, je profite de la cafetière pour me réchauffer les mains, on m'annonce à la 3ème place, tient bizarre, je pensais être 4ème ? L'esprit compétition reprend le dessus, j'écourte ma pause syndicale et repart avant que les copains de derrière ne reviennent.


Ce trail est vraiment plaisant, chaque section a une particularité, un paysage différent et demande une technique appropriée, on a l'impression de courir plusieurs courses en une seule.
Retour sur Lavail. Cette partie jusqu'au col des trois hêtres commence par une descente pas très pentue mais piégeuse car recouverte d'un très épais lit de feuilles, je repense alors aux conseils d'Yvan me demandant de me méfier car le schiste est toujours présent sous cet épais tapis ... La descente est agréable, je suis encore bien physiquement, les sifflements du vent ont laissé place au silence des sous-bois, je cours, seul avec mon hôte qui me présente ses multiples facettes et son humeur du jour, la montagne est belle et je suis bien en paix sur ce chemin qui me ramène vers le Roc de las Mèdes.


A nouveau de l'action et de l'énergie, une descente très technique dans le schiste où il faut sauter dans les roches, c'est la version "down" du km vertical ! Pendant cette longue descente je prends plus de risques car on m'a confirmé ma 3ème place et je commence à surveiller mes rétroviseurs. A plusieurs reprises je frôle la chute et vu le relief et les rochers il vaut mieux pas se rétamer ! Alors on ne s’emballe pas, je me calme et me concentre sur chacun de mes pas.
C'est une sensation spéciale qui me gagne, celle du gibier pris en chasse par les poursuivants, une montée d'adrénaline qui nous pousse à garder un rythme soutenu et à poursuivre ses efforts. On imagine le chasseur à quelques secondes derrière nous, on guète son retour, même si à l'arrivée j'apprendrais que j'avais une marge de près de 20mn d'avance sur le 4ème ...
Petite dédicace au coup de gueule d'Yvan ...

Enfin Lavail, dernier ravitaillement, il reste 10 km et une dernière difficulté pour remonter au col du Pomer, l'organisme est fatiguée des sauts à répétitions dans la dernière descente et certaines parties de cette ultime ascension deviennent éprouvantes, le passage au col est une délivrance pour laisser place à 4km de descente toujours technique dans le schiste et les chemins étroits. La civilisation réapparaît, ca sent la fin de course, on quitte les chemins escarpés pour une large piste de 3km nous ramenant au parc de Valmy où Steph et les enfants m'attendent. Je me retourne une dernière fois pour m'assurer que personne n'est en vue derrière, Maïna et Maël viennent à ma rencontre, me prennent la main, Maïna me glisse un "on sprinte !" et voilà une bien belle course d'achevée.






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